Près de 20 000 fans de l’émission culte de Canal + se sont retrouvés dans la Somme. Pour le Festival du film grolandais, devenu la grand-messe bien réelle d’une loufoque communauté.
Dans la nuit picarde, perché sur un char, les bras levés, les oreilles face à la route, le président, Christophe Salengro, bénit la foule en extase. Autour de lui, les invectives crépitent comme des fusées de feu d’artifice. « A poil ! », « Qui ne saute pas n’est pas grolandais ! ». A la hauteur de la pizzeria Napoli, qui est à l’avenue Gaston-Vasseur ce que le Fouquet’s est aux Champs-Elysées, une grand-mère salue la procession présidentielle : »Il est encore plus moche qu’à la télé, le type ! » En cette soirée du 21 septembre, le 3ème Festival du film grolandais s’ébroue dans une ambiance de carnaval. C’est à ce genre de fleuron culturel qu’on voit comme un pays est grand.
Quend-Plage-les-Pins (Somme), ses 300 habitants, ses moules-frites et ses 25 bistrots. C’est donc ici que les affreux jojos de Groland ont choisi de planter leur chapiteau pour un vrai festival de cinéma, avec un vrai jury et des fans de tout acabit. Groland, l’émission culte de Canal+, la principauté virtuelle dont la vie est scandée par une parodie de journal télévisé et des reportages à l’esthétique hors d’âge. Groland, dont les totems sont Moustic, alias Christian Bordes, le présentateur, Michael Kael, alias Benoît Delépine, le reporter sans foi ni loi, et Christophe Salengro, le premier des grolandais, le seul à avoir le droit de vote.
Un bras d’honneur à la face de l’establishment
Tous les samedis, la grand-messe, qui fête cette année son 15ème anniversaire, rassemble plus de 1 million de fidèles. Plus que des téléspectateurs : une véritable communauté qui arbore l’autocollant GRD au cul de la voiture – 100 000 en circulation – et prend sur ses vacances pour assister à un festival improbable au fin fond de la baie de Somme.
Thierry et Christiane Maintenay, la soixantaine enjouée, ont voyagé depuis Angers pour approcher leurs idoles. Ce tailleur de pierre dit que, dans sa vie, il n’a voté qu’une seule fois à droite : « En 1981, pour Mitterrand. » Dans le désert des utopies, Groland est son « oasis de liberté ». Ici, pendant trois jours, au milieu de 20 000 compatriotes plus ou moins concernés par le cinéma, il traque l’autographe du président Salengro, sourit aux bonnes blagues des héritiers du Professeur Choron. Pour son anniversaire, son fils lui a offert le passeport de la principauté : 15 000 Français partagent avec lui le sésame. Des réfugiés politiques, ou presque. Delépine : « C’est incroyable, le nombre de gens qui, dans la rue, nous disent merci ! Parfois, on dirait qu’à travers nous ils existent un peu plus. » Tout se passe comme si Groland, son peuple de losers qui carburent à la bière, ses figurants aux trognes incroyables, les vengeaient de l’arrogance des puissants, à commencer par celle des journalistes. Une émission qui se dresse comme un bras d’honneur à la face de l’establishment. « Groland est un pays où tout est permis, à condition de pouvoir en rire », assure Delépine.
Deux jours plus tôt, Moustic enregistrait l’édition hebdomadaire de Bienvenue au Groland dans les studios de La Plaine-Saint-Denis, le temple de la télé en conserve, une ville dans la ville qu’il nomme aussi « Cacacittà ». Perdue dans ce dédale de hangars, une famille l’a accosté, croyant s’adresser au gardien du parking : « L’émission de Benjamin Castaldi, c’est par où ? » Il a étouffé son rire de sale gamin. Les ors et les pompes du show-biz le laissent froid. Voici cinq ans qu’il s’est posé définitivement sur la côte basque, Benoît Delépine, lui, réside à Angoulême.
Les sketchs sont vulgaires, et alors ?
Depuis la rentrée, le décor du JT grolandais a été repeint en rose guimauve et le générique hargneux des Sex Pistols a été remplacé par la douce mélopée d’Aujourd’hui madame, talk-show destiné aux ménagères des années 1970 où l’on débattait invariablement de varices et de ménopause. « L’émission qu’on regardait l’après-midi quand on était malade », résume Moustic.
Cette accumulation de clins d’œil doucereux, ce goût soudain de la mièvrerie résultent de l’acharnement frontal et quasi militant des auteurs, l’an dernier, à l’encontre du candidat Sarkozy. « On avait perdu le sens du décalage et de la métaphore, reconnait l’homme-tronc de la principauté. Je ne parlais plus de Groland mais de la France. Tout cela était vain. Si on a inventé un pays , c’est pour s’en servir. » Aujourd’hui, Groland, ses oripeaux nunuches et sa musique de centre commercial, est redevenu Groland : une bombe à fragmentation dans un emballage de pochette-surprise.
A Quend-Plage, sous le regard ahuri des locaux, le week-end tire à sa fin. Demain la station balnéaire se rendormira jusqu’à l’été ; A la terrasse d’une librairie, Noël Godin, l’entarteur, dédicace son dernier opus. Fabien, un étudiant dunkerquois, lui tend son exemplaire d’Entartons, entartons les pompeux cornichons ! (trente ans de guérilla pâtissière). Puis il découvre, ému, le message du grand homme : « A Fabien, gloup, gloup »… « Un génie, ce type ! » lâche l’étudiant.
Prostré sur sa chaise, regard de hibou, l’entarteur est comme foudroyé par la révélation : et si son public était encore plus déjanté que lui ?
Sous le chapiteau qui sert de cantine aux festivaliers, la tablée des organisateurs évoque Vase de noces, une allégorie belge de Dominique Gaudry projetée hors compétition.
« C’est quoi l’histoire ? demande Delépine à son voisin.
- Un paysan qui tombe amoureux d’un cochon.
- Amoureux ?
- Oui, enfin, il baise avec une truie et ils ont des porcelets.
- Ok, je vois », conclut Delépine en rajustant ses lunettes fumées.
Les fondateurs de Groland n’ont pas de problèmes existentiels avec la vulgarité. A Canal+, la plupart des sketchs qu’ils reçoivent de la part de leurs fans se situent au-dessous de la ceinture. Ils s’en offusquent à peine. « On peut retourner le problème dans tous les sens, dit Moustic, mais « poil aux jambes », c’est quand même nettement moins marrant que « poil au cul »…
Cette fois-ci, on y est. Au-dessus des dunes, les mouettes dessinent, en un survol ondulant, les lettres d’un alphabet inconnu. Sur scène, le groupe Francis Gasoil achève son tour de chant par A quoi servent les communistes ?. Quatre gendarmes remontent la rue principale, la mine inquisitrice. Christophe Salengro pointe ses oreilles et un frisson court les échines tandis que l’Orchestre national de Groland fait vibrer les premières notes de l’hymne God save the President. Bientôt, la troisième édition du festival aura vécu. Et bien vécu. Inexplicablement, ce soir-là, les journaux télévisés vont passer à côté de l’information. Pas l’Express. Au terme d’une compétition de haute tenue, c’est le long-métrage suédois Toi qui es vivant qui a remporté l’amphore d’or du meilleur film grolandais. Poil au nez ?
Henri Haget
Et voici un article paru dans Ouest France du 25 septembre (pour le consulter, cliquez sur la photo)
Pour voir l'intervention de Marc Volant, maire de Quend, lors de l'émission Voix Publique du 3 octobre dernier, cliquez sur le lien suivant:
http://jt.france3.fr/regions/popup.php?id=vp59b_picardie&video_number=2
Article paru sur le site du journal Bakchich:
2 commentaires:
Enfin des articles sympas différents de ceux de notre région, même si il y a eu "quelques" débordements on ne peut pas les généraliser les festivaliers étaient sympas n'hésitant a venir voir les gentils Grolandais bénévoles pour tel ou tel renseignements, mais toujours de manières respectueuses et dans le ton grolandais.
J'adresse un grand merci à toutes les personnes qui ont pu faire de ce festival une réussite, mais plus particulièrement à Raymond, Hélène, Julie, Amandine, Isabelle, Hélène (de l'expo) qui se sont investis toute l'année pour trois jours de festival.
A toute ces personnes je dis à l'année prochaine et que tous les detracteurs n'y feront rien, "QUEND 4 ça sera quatre fois plus de bonne humeur".
Signé: un "grand" Gentil Grolandais.
Merci beaucoup à Toi et à tous les Gentils Grolandais qui nous ont aidé sur ce Festival.
A l'année prochaine...
L'Equipe du Festival
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